Médecins de famille : la proximité, pilier du système cubain ?

Cuba, malgré des contraintes économiques notables et un embargo commercial persistant, affiche des indicateurs de santé impressionnants, un témoignage de la priorité accordée aux soins de santé primaires. L'espérance de vie y est d'environ 78 ans, un chiffre comparable à celui de nombreux pays développés et supérieur à la moyenne de l'Amérique latine. Le taux de mortalité infantile, autour de 4 pour 1000 naissances vivantes, est également l'un des plus bas d'Amérique latine, rivalisant avec celui de nations bien plus riches. Comment ce petit pays insulaire, aux ressources limitées, parvient-il à obtenir de tels résultats exceptionnels dans le domaine de la santé publique, malgré les défis économiques ?

La réponse réside en grande partie dans son système de santé unique, un modèle universaliste et gratuit, qui place la prévention au cœur de sa stratégie de santé publique. Ce système repose sur un réseau dense et décentralisé de professionnels de santé, avec une place centrale accordée aux médecins de famille, des acteurs clés de la médecine communautaire. Ces derniers, véritables piliers de la santé communautaire et du bien-être de la population, assurent un suivi personnalisé et continu des patients, en se concentrant sur la prévention des maladies et la promotion de modes de vie sains.

Nous examinerons les avantages considérables de cette approche de proximité, en mettant en évidence les bénéfices pour la prise en charge des patients, ainsi que les défis et les limites auxquels elle est confrontée, notamment en termes de ressources et d'équipements. Nous analyserons également les perspectives d'avenir de ce modèle de soins de santé primaires, et les leçons qu'il peut offrir à d'autres pays en développement ou cherchant à réformer leur système de santé.

La genèse et la structure du programme "médecin de famille"

Le programme "Médecin de Famille", un élément central de la politique de santé cubaine, a vu le jour dans les années 1980, dans un contexte de profondes transformations sociales et politiques à Cuba. Après la révolution, le pays s'est engagé dans un vaste effort de reconstruction et de développement, avec un accent particulier sur l'amélioration des conditions de vie de la population et l'accès aux services essentiels, notamment aux soins de santé. Le système de santé, jusque-là fragmenté et inégalitaire, a été réformé en profondeur pour devenir un service public universel et gratuit, accessible à tous les citoyens.

Le modèle soviétique a exercé une certaine influence sur la conception du système de santé cubain, notamment en ce qui concerne la planification centralisée et la priorité accordée à la prévention des maladies. Cependant, le programme "Médecin de Famille" s'est rapidement distingué par son approche novatrice et son adaptation aux spécificités du contexte cubain, en mettant l'accent sur la médecine communautaire et la participation de la population à la gestion de sa propre santé. Fidel Castro, figure emblématique de la révolution, a joué un rôle déterminant dans la promotion et l'institutionnalisation de ce programme, le considérant comme un pilier essentiel du projet socialiste et un symbole de la justice sociale.

Le programme "Médecin de Famille" s'articule autour d'une organisation territoriale précise et décentralisée, avec un réseau dense de "consultorios" (cabinets médicaux de proximité) et de "policlinicos" (cliniques de proximité), répartis sur l'ensemble du territoire, y compris dans les zones rurales les plus reculées et les quartiers les plus défavorisés. Ces structures de soins primaires, véritables points d'ancrage du système de santé, sont conçues pour garantir un accès équitable aux services de santé pour tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence, leur niveau de revenu ou leur statut social.